Je vous préviens de suite, ce n'est pas une sinécure ! Et je précise au passage que ce n'est pas hyper rigoureux quant à l'orthographe des formules, et peut-être même que certaines sont fausses, c'est ce que je comprends à chaque fois qu'ils le disent. De même la nuance entre le "hamdulillah", et le "hamdullah", ça me dépasse un peu.
Je ne parle ici que de dire bonjour en wolof, la langue majoritaire au Sénégal.
Alors déjà, en wolof, bonjour, ça n'existe pas ! Ou plutôt devrais-je dire ; sous l'influence arabe, ils ont perdu leur bonjour pour emprunter le "salam alékoum" et le "alékoum salam" qui va avec. Donc pour saluer, on dit salam alékoum.
Quand on dit bonjour, car bien que ça soit très fréquent, ce n'est pas systématique. En effet, ici ce qui compte c'est de demander comment ça va. Notez que c'est parfois pareil en France, on dit directement "ça va ?" à la personne rencontrée, quand on la connait bien et qu'elle a déjà engagée la conversation, par un "bonjour !" par exemple.
Là, pour le coup du "ça va", ce sont des professionnels !! ça commence souvent par "Nangadef ?", qui veut dire : "ça va ?", auquel on répond "Mangui fi rek" (le plus important à retenir je pense), ensuite c'est "Yangui si diam ?" qui veut dire, ben, "ça va ?" aussi, après on trouve "Yangui noss ?" : "Quoi de neuf ?" en gros. Il y a encore une autre formule pour demander comment ça va, je l'ai oubliée, et comme ça ne fait pas assez, ils passent aussi leur temps à dire "ça va ?", tel quel, en français.
Après l'échauffement, ils continuent : "Ana sa wa keur ?" ce qui signifie "comment ça va dans ta maison ?", il y a aussi "Naka nya bott gui ?" qui veut dire "comment va ta famille ?" et "Ana sa yaye ?", égal "comment va ta mère ?" et caetera.
Quand deux personnes se rencontrent dans la rue ou que l'un rend visite à l'autre, ça donne ce qui suit :
- Salam alékoum !
- Alékoum salam.
- Nangadef ? (ça va ?)
- Mangui fi rek. (ça va, litt. je suis ici)
- ça va ?
- ça va. Et toi, ça va ?
- ça va, hamdulillah. Yangui noss ? (ça va, je remercie à dieu. Quoi de neuf ?)
- Bah, dara. Yangui si diam ? (Bof, rien. ça va ?)
- Mangui si diam. Ana sa wa keur ? (ça va. Comment ça se passe chez toi ?)
- Mangui si diam, hamdullah. (ça va, grâce à dieu)
- ça va ?
- ça va. Ana sa yaye ?
- Nangui si diam. (un truc du genre, on conjugue et ça donne : elle va bien)
- Ok. Ba béné niom ! (à la prochaine !)
- Ba béné niom ! Ciao ! (à la prochaine ! )
- Ciao !
ça peut faire sourire, et j'ai tiré le trait à dessein, mais c'est proche de la vérité quand même. Généralement ils disent tout ça à toute vitesse, en marmonnant à moitié, ce qui n'est pas gênant car c'est toujours la même chose.
Au début, je vous jure que ça fait bizarre, surtout dans les cas où ils font bien durer ses questions qui veulent toutes dire la même chose, et qui ne servent qu'à la forme. On se demande quand ça va finir ? Enfin, bon, vous avez compris, ce n'est pas comme chez nous, en Europe. Mais ça ressemble pas mal à la façon de faire au Maghred. Et puis il faut reconnaître que en Europe aussi, on demande des nouvelles de la famille, ça se fait, moins systématiquement, surtout avec les potes, mais ça se fait.
Autres différences : leurs relations peuvent parfois paraître très peu aimables à des yeux d'européens. "S'il te plaît" n'existe pas par exemple, ou en tous les cas on ne m'en a jamais parlé après deux mois et demi. Pour demander quelque chose, pas de fla-fla cette fois, c'est un ordre, point barre. Nous dirions "STP, peux-tu aller me chercher... ?" Eux, ils disent "Va me chercher... !" Encore une fois, ça surprend. Très probablement, dans des circonstances plus officielles, cérémonieuses, il doit y avoir des formules plus polies, mais au quotidien, macache.
La première fois qu'on m'a dit de m'asseoir, je me suis senti canin, tellement ça m'a fait pensé à notre façon de dire à un chien de s'asseoir. Pour de vrai ! On m'a dit "Togal !" Ce qui veut dire "Assieds-toi !".
Autre chose, très peu de merci. Dans les bus, et dans la rue, très souvent, pas de merci. En wolof, "merci" se dit "dieureudieuf". Mais quand ils le disent de temps en temps dans le bus, c'est merci, en français. Il y a, bien sûr, des exceptions, et ce n'est pas une règle intangible que j'énonce, c'est simplement ce que je constate la majeure partie du temps.
Donc voilà, en wolofie, on demande cinquante fois comment ça va alors que je pense que très souvent ça ne sert à rien, on ne dit pas "S'il te plaît" et on ne remercie que rarement. Sûrement qu'ils pensent, eux pour le coup, que ça ne sert rien.